Un peu d'histoire
Située au coeur historique de la petite ville de Bagnères-de-Bigorre, dans un parc à proximité de la tour de l’Horloge, des bâtiments thermaux et des halles, la bibliothèque est aujourd’hui un lieu très fréquenté, ouvert à la lecture publique et aux actions d’animations.
Son bâtiment rond, édifié en 1977, l’a longtemps fait comparer à la Maison de la Radio. Le parti pris cassait les habitudes. Pour la première fois, la bibliothèque allait jouir d’un bâtiment qui lui serait entièrement dédié. C’était le terme d’une longue pérégrination puisque l’on s’accorde généralement à considérer l’année 1837 comme date de sa création. Selon les archives, “la première mention d’une bibliothèque est faite le 1er messidor an V”. L'administration de la commune proteste contre l’enlèvement des livres du couvent des Dominicains de Bagnères (1.079 volumes) et de l’abbaye de l’Escaladieu (biens fort considérables) qui ont été transportés à Tarbes et versés aux archives départementales. Le 12 août 1835, le conseil municipal désigne trois de ses membres pour rechercher les livres appartenant à la ville et constituer une bibliothèque. Mais il semble que ce projet n’ait pas abouti.
Aucune trace de cette velléité n’a pu être retrouvée. Au fil des années, la bibliothèque ne demeure plus une préoccupation primordiale pour la mairie. Il arrive cependant des ouvrages de différentes sources : M. Bernard Gauthier d’Hauteserve, député, fit plusieurs envois entre 1837 et 1842, ainsi que les ministères de la Justice, de l’Agriculture et du Commerce, de l’Intérieur, des Lettres, Sciences et Beaux-Arts, et surtout de l’Instruction publique. Mais il faut attendre des initiatives personnelles et notamment celle d’Achille Jubinal, considéré aujourd’hui comme son véritable fondateur, pour voir se dessiner l’idée d’une bibliothèque.
Achille Jubinal, le fondateur
Michel-Louis-Achille Jubinal, bien que né et mort à Paris (1810-1875), était d’une famille originaire des Hautes-Pyrénées. Entré à l’Ecole des Chartes, il se livra pendant quelques années à l’étude des manuscrits littéraires du Moyen Âge et publia, de1834 à 1845, différentes oeuvres qui commencèrent à le faire connaître. Professeur de littérature étrangère à la faculté des lettres de Montpellier en 1839, chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur en 1863, c’est en tant que député du corps législatif pour les Hautes-Pyrénées, de 1852 à 1863, qu’il se fit connaître à Bagnères comme mécène.
Il fonde en 1854 la bibliothèque et le musée “Je ne m’arrêterai, déclare-t-il, que lorsque j’en aurai fait, sans exception aucune, les deux premiers établissements de ce genre parmi ceux qui existent en province.” De fait, ses libéralités ont, semble-t-il, duré toute sa vie. En 1857, la bibliothèque comptait déjà près de 10.000 volumes, et on estime à 15.000 le nombre d’ouvrages donnés par Jubinal qui encouragea fortement les notabilités de sa circonscription à suivre son exemple.
Après sa mort, les collections qui étaient installées jusque-là au deuxième étage de l’ancienne mairie furent transférées dans les trois salles septentrionales de l’établissement thermal, spécialement aménagées en salons de lecture. L’action de l’humidité des eaux thermales sur les ouvrages avait bien soulevé quelques objections, mais la bibliothèque avait besoin d’un espace mieux adapté à ses érudits locaux et à ses collections.
Le legs Dubois-Guchan et le don Larrey
Pour la bibliothèque, c’est alors une période faste. Les dons et legs affluent et, à partir des années 1880, les archives municipales portent traces d’achats de livres et d’acceptations des dons ou des legs. Ainsi en est-il pour les 15.000 ouvrages environ, cartes de géographie et corps de bibliothèque, papiers et lettres de la famille Dubois-Guchan, qui furent légués à la ville par le testament du 15 mars 1889. Etienne-Prosper Dubois-Guchan (1802-1897), né à Bagnères-de-Bigorre, était le petit-fils du conventionnel Guchan. D’abord avocat à Tarbes, il était entré dans la magistrature et avait fini sa carrière comme procureur impérial à Nantes en 1856. La bibliothèque héritait donc d’un ensemble important qui rassemblait les oeuvres de son père poète, écrivain et traducteur de Tacite, un grand nombre d’ouvrages juridiques, et outre un fonds sur la Normandie, beaucoup d’oeuvres complètes de philosophes du XVIIIIe siècle.
En 1892, le baron Hippolyte Larrey donna à la ville la bibliothèque de son père. Dominique Larrey (1766-1842) était né à Beaudéan, commune proche de Bagnères, et s’était illustré comme chirurgien de Napoléon. C’est pourquoi ses ouvrages médicaux relativement anciens sont intéressants pour une petite bibliothèque. Du reste, on peut considérer que c’était là le début des fonds “particuliers” de la bibliothèque.
L'achat du fonds Vaussenat
En effet, en 1893, la ville achète le fonds Vaussenat. Félix Vaussenat, ingénieur civil des mines né à Grenoble en 1831, avait épousé une Bagnéraise. Très tôt, se manifesta chez lui un goût profond pour la montagne et, par suite, pour le pyrénéisme. Ainsi que le rapporte J.-J. Dumoret dans la nécrologie qu’il consacre à Vaussenat : “Industrie, agriculture, étude des roches, aménagement et utilisations des sources, archéologie, travaux publics, recherche des vieilles chartes, examen minutieux des vieux papiers, Vaussenat suffisait à tout et souvent il préserva de la destruction tel manuscrit ou tel autographe qui, déjà chez le chiffonnier, prenait le chemin de l’épicerie du coin ou de la cuve à papier.”
En tant que membre de la Société Ramond et, après que fut achevée la station météorologique, Vaussenat voulut que l’observatoire devînt aussi astronomique. C’est ainsi, par son acharnement — son zèle — que fut réalisé l’observatoire national du pic du Midi de Bigorre. Membre de plusieurs sociétés savantes, il était officier de l’Instruction publique et avait reçu à la suite de l’Exposition de 1889 une médaille d’or pour ses travaux au pic du Midi. C’est dire l’intérêt de sa bibliothèque personnelle concernant Bagnères et sa région : volumes, brochures, albums de lithographies, cartes, papiers personnels, recueils d’autographes, furent donc pour environ 1.500 documents la base de notre fonds local actuel.
Le legs Triol et les dons Duruy, Sansot et Bénézech
Au XXe siècle, les envois se poursuivent mais leur importance numérique n’est plus la même. Il convient néanmoins de citer le legs du 23 août 1912 de M. Triol, un fonds composé surtout d’ouvrages de droit et de jurisprudence et d’un globe terrestre du XVIIIe siècle, deux dons de Georges Duruy, fils du ministre Victor Duruy et gendre d’Achille Jubinal, composés essentiellement d’ouvrages d’art. Avant la guerre, les dons Sansot et Bénézech étoffent encore les collections de la bibliothèque. Jules Sansot (1885-1925) avait eu, à la mort de son père, la direction d’une industrie de lainages, plus tard, il avait été élu conseiller général des Hautes-Pyrénées, mais sa passion était la linguistique : la bibliothèque hérita donc de quelque 700 ouvrages d’érudition concernant la philologie et la linguistique.Quant au fonds Bénézech, il représente environ 1.700 ouvrages du début du siècle où sont essentiellement représentées la littérature, la philosophie, l’histoire et la géographie.
C’est donc en partie grâce à la générosité de ses donateurs qu’a émergé le fonds d’érudition de la bibliothèque. Riche de 35.000 documents environ, il réunit en outre d’importantes collections de périodiques des XVIIIe et XIXe siècles. Une particularité du fonds du XIXe siècle tient aux nombreux guides de voyages qui concernent la totalité de l’Europe, les cartonnages romantiques et les livres de prix (dont ceux de l’éditeur Mame, entre 1840 et 1880) qui ont pu être parfaitement conservés.
L'achat du fonds Privat
La dernière importante acquisition de la ville est, en 1958, l’achat du fonds Privat. L’éditeur toulousain Édouard Privat, chartiste et bibliophile, avait constitué, à Toulouse et en son château de Beaudéan, une importante collection personnelle qui témoigne de ses goûts, notamment pour le pyrénéisme, le régionalisme, le thermalisme. Ce sont les documents de Beaudéan que la ville acheta: environ 3.400 ouvrages et brochures, 178 cartes géographiques, 1.677 lithographies en feuilles, albums d’estampes, cartes postales, partitions, périodiques...
C’était une véritable aubaine pour la bibliothèque qui pouvait enfin offrir aux curieux et aux chercheurs matière à bien des travaux. Complétant harmonieusement le fonds Vaussenat qui intéressait particulièrement Bagnères et la Bigorre, le fonds pyrénéen Privat allait donner l’élan et l’assise nécessaire à ce qui est aujourd’hui le fonds local et régional.
Un patrimoine local précieux
Pour une modeste bibliothèque, ce patrimoine local était précieux. Bagnères-de-Bigorre a longtemps été considérée par de nombreux écrivains comme “l’Athènes des Pyrénées”. Au XIXe siècle, d’illustres visiteurs viennent prendre les eaux et goûter aux plaisirs musicaux et littéraires et de cette accueillante vallée. “Nul lieu, nous dit en 1834 l’avocat Ariste Pambrun, n’offre en effet pendant des distractions accompagnées de sensations plus multipliées, plus nouvelles, plus douces. Promenades, danses, concerts, spectacles de toute espèce,Bagnères alors ne laisse rien à désirer.” C’est le reflet de ce passé-là, quand les eaux couraient dans les rues de Bagnères, que ce fonds ressuscite. La bibliothèque n’est-elle pas bâtie dans le quartier de “la petite Venise” ?
Que l’on vienne étudier le séjour de George Sand à Bagnères ou les détails et les particularités de la route thermale, que l’on veuille connaître l’accueil fait à Bagnères aux grands chanteurs de l’Opéra pour leur représentation lors de “la saison”, c’est dans ce fonds local et pyrénéen que l’on puisera. Que dire alors de cette vision romantique des Pyrénées, ces voyages de Mme de Maintenon, de la duchesse d’Angoulême, de l’impératrice Eugénie... aux pays des “indigènes” ? Porteurs, bergères, guides, chasseurs d’isards, autant de stéréotypes au charme certain, que les couleurs des lithographies du fonds Privat nous rendent avec tant de fraîcheur. Gavarni, Dandiran, Mercereau, Gorse, Melling... tous ont subi l’envoûtement de Bagnères et des Pyrénées et l’ont exprimé dans leurs oeuvres. Danielle Querol-Bonhomme.
Le fonds de conservation aujourd'hui
Riches d’environ 40 000 documents les fonds de conservation sont essentiellement constitués de fonds d’état, de donations, de legs ou d'acquisitions. Situés dans les magasins de conservation, ils occupent plus de 200 m2 de surface et concernent en majeure partie les 16ème, 17ème, 18ème et 19ème siècles.
La médiathèque a travaillé ces dernières années à assurer la meilleure conservation possible à ces divers documents dont elle avait héritée et qui avaient subi des voyages mouvementés. Mais c'est le volet patrimonial local de cette conservation qui demeure au coeur de nos priorités. La politique d'acquisition patrimoniale s'appuie sur les deux fonds majeurs qui sont à l'origine du "Fonds local et pyrénéen" patrimonial : les fonds Vaussenat et Privat. Par ailleurs, c’est la saisie informatique de ces documents qui se poursuit ainsi que la numérisation des « images » qui en font partie intégrante.